2021, l’année de tous les possibles.
Et si moi aussi je pouvais enfin réaliser Hanumanasana, la posture du grand écart, ou encore Urdhvadhanurasana, le pont inversé ?
Merci, mais non merci.
Constat :
Étant professeure de Yoga depuis quelques années je rencontre régulièrement des élèves qui s’ennuient face à la répétition de postures connues. On me demande à quel moment nous allons pratiquer des postures telles qu’on les voit dans les magazines ou sur internet : diversifiées, impressionnantes, souvent élégantes mais inaccessibles pour le commun des mortels que nous sommes (sans se faire mal tout du moins !).
Lorsqu’il m’arrive à l’inverse de proposer d’adapter la posture avec un coussin, une brique, ou de prendre une posture différente mais que je juge bénéfique pour la personne, cela est souvent vu comme une correction, voir une punition.
Cela me donne l’impression de dévaloriser la personne qui justement est en recherche de confiance.
Ce constat m’amène à une réflexion autour de l’enseignement du Yoga : l’adaptation, désignée, par les textes de la tradition comme Viniyoga, est-elle une entrave à la progression ?
Le Viniyoga
Ce concept de Viniyoga, est au coeur de l’enseignement donné dans les années 80 à Madras par Sri Krishnamacharya et largement développé par son fils T.D.K Desikashar, lequel est à l’initiative de l’Institut Français de Yoga, auprès duquel je me suis formée.
Viniyoga est l’adaptation aux besoins et aux capacités de chaque élève. D’où la célèbre phrase de Krishnamacharya: « Ce n’est pas la personne qui doit s’adapter au Yoga mais le Yoga qui doit s’adapter à la personne ».
On retrouve cette idée dans les Yoga-sutra de Patanjali (un des textes fondateurs du Yoga). L’Aphorisme III.6 nous dit « tasya bhūmisu viniyogah » : il convient de faire des choix concernant notre pratique « en fonction des possibilités, des intérêts et du bien-être de chacun. » Traduction de Frans Moors qui y ajoute la notion de progression : « une progression stable se fait par étapes bien ajustées, quel que soit le domaine ou la démarche ».
Rien ne sert donc de vouloir aller trop vite et de griller les étapes.
La posture
A travers la posture nous recherchons l’alignement de la colonne, ce que l’on traduit souvent par l’alignement des chakras. Ceci permet aux organes internes de trouver leur place, de trouver une respiration ample et fluide qui aura des effets bénéfiques sur la circulation des énergies.
Le viniyoga, ou l’adaptation de la posture, nous permet une progression et surtout, nous permet d’obtenir les effets de la posture à travers des aménagements sans lesquels nous serions à côté du but recherché.
Si nous regardons de plus près le dessin de ce début d'article, nous voyons à quel point une posture prise coûte que coûte sans adaptation peut se révéler contre productive, voire dangereuse pour notre santé. Nous passons à côté des effets bénéfiques de la posture avec le risque de tout bloquer.
La posture mérite que l'on soit dans une relation juste et vraie avec elle.
Nous questionnons la posture et en retour elle nous amène à se questionner sur nous-même.
En prenant une juste posture, celle qui me convient et me laisse en paix, je la respecte dans sa forme et ses effets. En retour elle me permet de m'ouvrir à ce que je suis vraiment.
Concrètement :
Dans la pratique, enseignants comme élèves doivent travailler ensemble pour le respect de soi et de l’autre. Ainsi, l’enseignant par son observation discrète mais rigoureuse doit faire preuve de tact et de créativité pour proposer un ajustement dans la posture, trouver ce qui va permettre à son élève le juste effort, l’alignement, le respect de soi sans pour autant que l’élève ne perde sa confiance en ses capacités. De son côté, l’élève devra rester humble face au chemin parcouru et à celui qui lui reste à accomplir. Face à ses limites, la première étape sera l’acceptation certes, mais pas le renoncement ! Il pourra, accompagné par son professeur, se délester de ce qui aujourd’hui ne lui convient pas, ne lui convient plus ou peut-être ne lui convient pas encore et ainsi s’ouvrir à sa vraie nature.
Cette adaptabilité, possible aussi bien en cours collectif qu’en cours individuel, aide le pratiquant à se sentir bien, lui-même et surtout à devenir autonome.
Ensemble, ils travaillent à la construction d’une relation de confiance et non de dépendance, en un mot : Libre
Ainsi, étape par étape, la progression de l’élève pourra se faire sans courir après une posture qui n’est pas la sienne. Il se trouveras alors confortablement établi dans sa posture qui n’a pas besoin d’être complexe pour être profonde.
La pratique sera donc différente en fonction :
- De l’âge de la personne,
- De son état physique
- De sa situation psychologique
- De son appartenance à une culture ou une religion
- Du lieu où elle vit, de la saison de l’année
- De ses activités professionnelles et familiales
- De ses attentes
- Du temps qu’elle peut consacrer à sa pratique